Lundi 10 janvier 2011 : présenté par M. Jean-Michel Garric, membre titulaire

La première conférence de l'année 2011 a été prononcée par M. Jean-Michel Garric, membre titulaire et conservateur de l'abbaye de Belleperche, sur le thème « Dessin animé et propagande pendant la Seconde Guerre Mondiale ». Ce fut l'occasion pour le nombreux public d'assister à une animation audiovisuelle et de découvrir un aspect méconnu de la dernière guerre au travers de neuf dessins animés, dont deux chefs-d'ouvre de Walt Disney et de Tex Avery.

Dès que la guerre éclate, l'Allemagne et l'Italie utilisent l'arme populaire du dessin animé afin d'exalter la culture nationale et de stigmatiser l'ennemi. Goebbels comprend vite les opportunités offertes par le dessin animé dans son entreprise d'endoctrinement. Grand amateur de « cartoons », comme Hitler qui raffole de Mickey, il voudrait que les créations allemandes parviennent à se hisser au niveau technique du « Blanche-Neige et les sept nains » de 1937. Aux U.S.A., où cet art est parfaitement maîtrisé par les studios Disney, Warner, M.G.M., Paramount, l'entrée en guerre déclenche une vague de productions spécifiques, en général commandées par le gouvernement. Si Disney cherche à rester fidèle à sa ligne directrice un peu en dehors de la réalité, la Warner engage dans la propagande des personnages à fort caractère, très efficaces : Daffy Duck, Bugs Bunny, etc.

Le racisme n'est pas absent de la production américaine et il vise en particulier le Japon. Non seulement il est présenté comme un pays à anéantir sous les bombes, mais les Japonais sont invariablement montrés sous des traits hideux. La violence du propos a beau être nappée de comique, elle reste évidente. C'est ce qui se passe dans « Bugs Bunny nips the Nips», sorti en avril 1944, où le lapin facétieux massacre des soldats nippons dans la joie et l'allégresse. En France, si jusqu'en 1939, la production animée se cantonne aux publicités, le gouvernement de Vichy va tenter de faire naître un dessin animé spécifiquement français par les thèmes et le style, sans coloration politique. A partir de 1942, les auteurs sont invités à servir la politique vichyste, jusqu'à faire paraître des films antisémites et anti-Alliés, mais bien plus tard, en 1944, sous la pression des autorités allemandes.

Ainsi la guerre a donné un coup de fouet momentané à l'industrie du dessin animé dans la plupart des pays belligérants. Cependant, les objectifs de propagande et de mobilisation des esprits attendus par les gouvernements n'ont pas vraiment été remplis. Seuls les Américains et les Japonais ont su tirer parti, les uns de structures déjà en place avant la guerre, les autres d'une politique de création massive imposée par l'Etat. Aujourd'hui, ces films sont en majorité relégués dans les archives au nom du politiquement correct, mais au détriment de la compréhension de l'Histoire. Il faut savoir les regarder avec la distance qu'impose le passage du temps et la sérénité de l'historien. Voir Donald faisant le salut nazi ou certaines caricatures franchement racistes peut certes gêner, mais c'est l'Histoire dans sa réalité indivisible. On trouve certains de ces films de propagande sur Internet, dans des compilations sur DVD ; mais ils ont souvent été censurés ou modifiés afin de faire disparaître des images ou des paroles jugées aujourd'hui inacceptables.

Le président Antoine de Reyniès, après avoir félicité chaleureusement M. Garric, concluait en soulignant : « Un mot résume tout cela : c'est celui de dérision. Les dessins animés ne se sont pas arrêtés avec la fin du conflit ; d'autres productions, fort nombreuses, ont vu le jour dans les années suivantes ».